Premier objectif, les colons. Elle et ses cousins avaient certes réussis toutes les simulations de survie, mais l'expérience leur avait apprit que le nombre fait souvent la sécurité. Il fallait donc s'assurer de leur survie puisque tous les cryo-compartiments n'étaient plus correctement alimentés.
A peine sortie de la calle secrète, Léa fut saisie d'une curieuse image: le métal, le froid, les sons étranges de la superstructure et les lumières vacillantes donnaient à cette coursive, au vaisseau tout entier, un aspect terrifiant, comme d'un tombeau technologique, un cercueil de métal recouvert à jamais de la soie noire d'un espace infini.
Sortant de sa torpeur, elle consulta sur son mini-ordinateur l'holo-plan et s'engagea dans une coursive principale pour rejoindre les ascenceurs et les découvrir, sans énergie, sans vie. Elle aurait pu rétablir l'alimentation avec ses codes, mais jugeat préférable de ne pas le faire. Il y avait certainement plus important que ça. Sur le côté, elle prit une échelle de coupée pour rejoindre le pont des cryos. L'escalade prit son temps mais eu le mérite de la réchauffer. Arrivée, elle franchit le sas pour entrer dans le cryo-pont.
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L'atmosphère baignait d'une odeur inidentifiable mais qui lui saisie le coeur jusqu'à la nausée. Elle prit son mouchoir, l'appliqua sur son nez et fut revigorée par le parfum fleuri et capiteux qui s'en échappait. Relevant la tête et les yeux, elle lut alors, s'affichant devant elle entre deux clignotements: "Cryo compartiment D-125". De petits cris semblaient en parvenir. Elle avait trouvé ses premières traces de vie, la rassurant, enfin.
Elle enclencha l'ouverture du sas et prit sa lampe torche, prête à balayer le compartiment de son rayon de lumière. A peine entrouvert, l'odeur devint si forte qu'elle ne put réfréner une violente envie de vomir. Elle se servit de son mouchoir pour s'essuyer le visage, attendi quelques instants afin de s'habituer à l'odeur, puis dirigeat son regard vers l'intérieur.
Devant elle s'étendait la centaine de cellules chromées, parfaitement alignées du cryo-compartiment. Au plafond, de petites étincelles jaillisaient du chemin de câbles alimentant les cryo-cellules. Devant elle, presque à ses pieds, un horrible charnier, et des rats, grouillants. Quelques dizaines de familles de rats faisaient leur festin de morceaux de cadavres pourissants. Les cryo-cellules en étaient encore pleines.
Elle consulta l'ordinateur du compartiment et put reconstituer les faits. Des rats s'étaient aventurés à ronger les câbles de commandes et d'alimentation, court-circuitant les sécurités et empéchant l'ouverture complète des cryo-cellules lors des premières déperditions d'énergie, ce malgré les tentatives répétées, presque désespérées, du servordinateur. Tous ces malheureux s'étaient retrouvés à moitié prisonniers il y a un peu plus de deux mois. Pour leur bonheur, pour leur malheur, ils n'avaient pas eu le temps de mourir ni de soif, ni de faim. les rats s'étaient fait un festin de toute cette viande captive qui leur était offerte. Cela rappelait certaines tortures anciennes, inhumaines, horribles, ignobles à l'infini et au delà des mots.
Toujours pianotant sur l'ordinateur, un rat s'approcha d'elle. Tremblante, elle l'écrabouilla d'un violent coup de talon. Elle coupa la circulation d'air et abaissa la température jusqu'au 0°c puis envoya un code d'alerte sanitaire orange sur le réseau. Etrange et peu rassurant que personne n'ait réagit plus tôt... Là au moins, quiconque vivant et s'intéressant encore aux alarmes dans ce "Hollandais volant" de l'ère nouvelle, serait informé.
Elle se dirigeat vers le sas, se retourna pour adresser une dernière et silencieuse prière et se signa. Ceux-là étaient les premiers colons, premiers de ses hommes nouveaux à avoir trouver leur paradis. Les rats, tristes et éternels compagnons de la misère de l'Homme l'avaient suivi jusqu'ici. Sombre présage, morne passé, triste avenir, l'Homme, encore et toujours recouvert de ce linceul de vermine. On n'échappe pas à son destin...
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Elle regarda son pistolet, le saisit, mais se retint de tirer dans la meute, cela ne servait plus à rien... Elle franchit le sas et quitta ce compartiment. Il fallait résolument qu'elle aille à la passerelle. Marchant, de loin lui parvinrent des bruits, des sons de voix. Le tombeau avait donc encore quelques officiants... Rassurant? Mmmhhh... Prudemment, elle se décida à aller voir, tout en restant cachée, s'attendant désormais à tout, absolument tout.