Le retour de Myrddin

Des pas rapides dans le couloir, Myrddin entra comme la première fois, mais cette fois, il avait perdu son air blagueur et frais.
Il reguarda l'employé Andrew, l'air un peu coupable, et finit par lacher:
"Elle m'a saoulé c'te gonzesse... pfff..."



"tu te dis que j'ai l'air bien con hein? a revenir ici, après ce que j'ai dit, ben, tu sais t'es la seule personne avec qui je pense pouvoir m'entendre sur se raffiot de merde, putain j'en ai déja ma claque... bordel..."

il s'assit dans un coin des chiottes, et mis sa tête entre ses mains...

Avec une fourchette ensanglantée dans une main et un débouche-chiotte chromé dans l'autre, Andrew eut un peu de mal à analyser l'évolution de la situation et dut en quelques fractions de secondes réévaluer ses priorités, parmi les problèmes suivants:
- fourchette mystérieuse maculée de sang;
- chiotte bouché puant le cadavre vermoulu;
- chanteur sur la déprime.

Peu habitué au social, Andrew n'en était pas moins fort peu tenté par l'élucidation du mystère de la fourchette, et encore moins par le dur labeur de succion de canalisation bouchée. Il s'approcha de Myrddin, s'assit à côté de lui, sans dire un mot pendant près d'une minute.
Il se demanda ce qu'il aurait pu dire à une machine à café déprimée en pareil cas. Un problème subsistait: il n'avait jamais rencontré de machine à café déprimée.

Il se lança enfin, avec l'impression d'expérimenter l'une de ces performances de cirque dont lui avait parlé sa mère des années auparavant.

"Tu sais, vieux..."

A nouveau le silence.

"Ben..."

La puanteur n'arrangeait rien à son manque d'inspiration.

"Je crois que tu devrais pas trop t'en faire. Ca fait des années que je parcours ce raffiot de merde, comme tu dis. Des mois et des mois à le parcourir de long en large, tout seul. A entendre des bruits de-ci de-là, dont je n'ai toujours pas éclairci la provenance. Des jours entiers passés à explorer chaque recoin, chaque parcelle de la salle des machines, de l'infirmerie, du système d'aération. Et après avoir vu tout ça, je peux te dire, franchement... inutile de t'en faire pour une gamine qui te prend la tête, ou à cause de chiottes bouchés, ou parce que personne ne te demande de chanter..."


Andrew respira un grand coup en prenant bien soin de se boucher le nez, puis reprit:

"Non vraiment, pour tout ça, faut pas s'en faire. Faut pas s'en faire parce qu'après avoir visité le Shuttle pendant tout ce temps, je peux te dire que ce putain de vaisseau est une telle loque que si on arrive à destination vivant je crois qu'on pourra aller déposer une chiée de cierges devant la première statue de la Verge qu'on trouvera en arrivant. Je te le dis. C'est bien comme ça qu'on dit, non? La Sainte Verge, ou quelque chose comme ça. Enfin, c'est ma mère qui m'en a parlé y'a longtemps. Un vrai cerceuil flottant, j'te le dis! Alors ma foi.... Autant profiter de ce qu'on peut avoir de bon temps, sans se prendre la tête!!"

Après ces paroles, le réparateur posa le débouche chiotte entre ses jambes et appuya son menton contre le manche, l'air pensif...

Myrddin, était un peu seccoué, même s'il n'en montrait rien...
il eut un léger sourire a l'attention d'Andrew, puis après quelque minutes de silence balança...

"ça devait être en classe de seconde, la dernière fois qu'on m'a parlé comme ça..." Il prit un air pensif et dit encore "Oui, c'est bien ça, puisque de toute façon, je ne suis pas allé au dela de la seconde, ensuite le groupe, les tournées, le succés adieu les amis, les confidences tout ça tout ça..."

"Merci bien Andrew..."

Il se leva se dirigea vers la sortie des toilettes mais s'arreta juste devant l'encadrure, jeta un reguard plein de grattitude au chargé d'entretien resté assis, leurs reguards se croisèrent, longtemps, chaleureusement, puis Myrddin franchit la porte, sans un mot.

"Bon bon bon... il va bien falloir s'y mettre."

Péniblement, Andrew se releva, empoignant avec détermination le déboucheur chromé. Il s'approcha du chiotte bouché mais, pris tout à coup d'une violente contraction abdominale et d'un gonflement irrationnel des joues, il dut reculer jusqu'à sortir complètement des toilettes.

Ce qu'il venait de ressentir avait quelque chose de terrifiant. Cette odeur. Cette odeur, il le ressentait, aurait pu le tuer. Du moins c'est là l'excuse qu'il comptait invoquer auprès de ses chefs s'ils venaient à lui reprocher un chiotte toujours bouché.

Andrew avait besoin de quelque chose pour affronter cette indiscible puanteur. Un masque, du parfum, une grenade incendiaire, n'importe quoi pourvu qu'il n'ait plus à renifler à nouveau les écoulements solides du sieur responsable de la catastrophe.