De la salle commune, s’évadait une multitude de bruits, vacarme désorganisé témoin d’une profonde incompréhension et surtout d’un réel manque de perception des choses.
Un homme de taille moyenne s'abrutissait devant un petit écran de télévision qu'il essayait désespéramment de faire fonctionner pendant qu'un autre, plus âgé, contemplait avec envie le distributeur automatique, l'étiquette "Daunat" se reflétant sur le verre de ses lunettes.
Une jeune fille, quinze ans à peine, tournait la tête dans chaque direction, les yeux envahis de larmes, probablement à la recherche d’un parent, d’un ami. Dans un coin de la salle, un curieux petit personnage s’était recroquevillé sur lui même, tremblant de tous ses membres, et observait son environnement avec une appréhension troublante.
Chaque personne, chaque ombre qui se dévoilait n’échappait pas au contrôle minutieux du Sven, lui aussi à la recherche de quelqu’un. Il posa machinalement la main à sa ceinture avant de se rappeler qu’il n’avait plus d’arme, se souvenant pourtant avec certitude de l’avoir amené au départ. Des années de cryogénisation avait probablement du altéré sa mémoire et ou ses idées. Ou quelqu’un l’avait détroussé…
L’idée qu’il ait pu se laisser ainsi voler son arme le troubla plus que tout autre chose. Il se sentait nu, sans défense, ce qui tenait pour effet de décupler sa nervosité déjà grandiloquente. Et ce père qui ne se présentait pas. Avait-il seulement survécu à la décongélation ?
Et quand bien même finalement, quel besoin Sven avait-il ? Il pouvait se débrouiller sans lui…
Le haut parleur du Shuttle se mit alors à grésiller et la voix rassurante du pilote se fit à nouveau entendre.
« Bonjour à tous,
Ici le colonel Irus qui vous parle. J'ai le plaisir de vous annoncer que nous venons de rentrer dans le système Gamma-069, celui vers lequel nous nous dirigeons depuis maintenant plusieurs années.
Notre arrivée est imminente et nous devrions pouvoir respirer de l'air frais d'ici cinq à dix jours. Les compteurs d'oxygène sont au vert.
D'après les dernières informations recueillies, la manœuvre d'atterrissage risque cependant de s'annoncer plus gourmande en énergie que prévue. Nous allons donc devoir lâcher les nacelles de sauvetage d'ici demain, nous n'en aurons plus besoin.
Je vous demanderais donc par conséquent de bien vouloir évacuer les nacelles et la salle d'embarquement dans les plus brefs délais.
Je répète: évacuez les nacelles et la salle d'embarquement!
Je vous remercie. »
Sven eut un sourire macabre en songeant aux nacelles vides consommant de l’énergie. S’il eut été pratiquant, il aurait volontiers prié pour que le père ne soit plus dans une de ces capsules, craignant que les passagers encore non éveillés ne fassent les frais de ce manque d’énergie.
Il ne le retrouverait pas de toute façon, comment le pouvait-il alors que des milliers de personnes étaient disséminées aux quatre coins de ce monstre de l’espace ?
Il n’avait plus qu’à espérer l’atterrissage désormais, si tant est que le mot convienne bien à la situation, et l’arrivée sur Pandora.
Se traînant jusqu’à une machine à café, il glissa une pièce dans la fente et appuya sur la touche « expresso » mais en lieu et place du gobelet qui jaillissait habituellement sous le bec verseur, il entendit sa pièce retomber et la machine murmurer de sa voix caverneuse « Crédit inconnu ».
Le vieillard à ses côtés le regarda avec beaucoup de compassion.
« Si vous croyez que c’est aussi simple, vous pensez que je serais encore là ? »
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